Parmi les six îles traversées par Shimanami Kaido, l’extraordinaire piste cyclable de la région de Setouchi, l'île d'Oshima est la dernière, selon si l’on entreprend le trajet depuis Onomichi dans la préfecture d’Hiroshima, ou la première, si l’on part d’Imabari, sur l’île de Shikoku.
Pour ma part, Oshima fut la dernière île de mon périple à vélo. Après plusieurs heures à pédaler sous un soleil de plomb et par une température avoisinant les 35°C, je n’eus pas le courage d’entreprendre la traversée du pont Kurushima Kaikyô, qui, avec ses 4 105 mètres, est le plus long pont suspendu au monde. Je décidai donc de profiter de l’île et de la mer avant de rejoindre Imabari le lendemain. Je ne regrettai pas ma décision et cette dernière étape dans la région de la mer intérieure du Japon (Setouchi), est l’un de mes meilleurs souvenirs. Déjà, avant de bifurquer sur la route qui mène au pont, le chemin inverse m’avait attirée par ses vieilles maisons entourées de verdure et son bord de mer. Il semblait être la promesse d’une jolie balade.
N’ayant aucune information sur les hébergements dans les alentours, je demandai au bureau de tourisme situé sur l’aire de repos de Yoshiumi Iki-Iki -Kan, au pied du pont. Une aimable employée téléphona à divers endroits et finit par m’indiquer un minshuku au bord d’une plage, comme je le lui avais demandé. « Vous n’aurez qu’à grimper et descendre la colline et vous y serez » me dit-elle toute souriante. «Grimper la colline ! Je ne sais pas si j’en ai encore la force ! Je vais me reposer un peu avant de décider» lui répondis-je, dépitée ! Je m’assis sur un banc et dégustai une glace à l’italienne à l’orange (Setouchi produit toutes sortes de délicieux agrumes) pour reprendre des forces. Et c’est là que la dame de l’office de tourisme vint me retrouver pour me dire que l’hôtel pouvait venir me chercher en camion et mettre mon vélo à l’arrière. L’affaire fut conclue et, ravie, je m’assis à côté du jeune chauffeur. Nous avons effectivement monté et descendu une longue pente dans un bois pour arriver dans un charmant petit village, au bord de la mer.
Les belles demeures traditionnelles aux magnifiques toits de tuiles, les jardins fleuris, les vergers d’orangers -hélas, encore tout verts, la petite plage, le minuscule îlot qui lui faisait face, et la vue lointaine sur la ville d’Imabari, sur l'île de Shikoku, m’ont vite fait oublier ma fatigue. Je me précipitai dans l’eau, il n’y avait personne d’autre que moi sur la plage, et seule une méduse d’environ cinquante centimètres de diamètre me décida à quitter les flots ! Un peu plus tard, le soleil couchant teinta d’or une partie de la côte et le petit îlot, quelques dames vinrent faire des offrandes aux dieux dans un sanctuaire "miniature", un vieux monsieur, assis en bord de mer, admirait le paysage. Je me félicitai de ma paresse qui m’avait permis de faire une halte dans un endroit si fantastique, où la vie se vivait à un autre rythme, loin de la fureur des hommes et du monde moderne.
Une fois dans ma chambre, on vint me servir un dîner pantagruélique, avec, entre autres, trois sortes de poissons préparés différemment. Je m’endormis avec le chant des grillons et le bruit des vagues. Le lendemain, le jeune homme de la veille me ramena en camion (je voulais m'épargner la montée de la colline dès le début de la journée !) au pied du pont. Pour moi, l’aventure continuait mais cette escale dans ce village dont je ne connaissais même pas le nom reste gravée dans ma mémoire.