A priori, si vous dites « château japonais » à quelqu’un, il y a de fortes chances que la personne pense d’abord au château d’Himeji ou d’Osaka, mais parlez de châteaux japonais en ruines et vous ferez probablement chou blanc.
Jamais je n’avais imaginé que de telles ruines existaient au Japon jusqu’à ce qu’un poster représentant des châteaux, placardé sur les murs de l’école, attire mon attention pour de bon sur un cliché en particulier. Sur cette photo, des fondations et des murs de pierre recouvraient le sommet d’une montagne et s’étendaient au loin en suivant le contour de cette montagne, jusqu’à l’extrémité du cadre. Je ne savais pas encore lire les kanjis qui composaient le nom du château, mais j’ai tout de même réussi à retrouver son emplacement sur le plan de l’affiche. Il se trouvait au cœur des montagnes de la préfecture de Hyōgo. Trois ans plus tard, je tombais à nouveau sur une photo de ces ruines alors que je parcourais la région du San’in (à l’ouest de Honshū, la plus grande des quatre îles principales). Cette fois-là, je pouvais déchiffrer les kanjis : c’était le château de Takeda. Et je m’aperçus également que, sur le chemin du retour, je passais juste à côté. En partant de Tottori, je décidai donc de m’y arrêter avant d’atteindre Kyoto.
Construit en 1441 au sommet d’une montagne surplombant les environs de près de 300 mètres, le château de Takeda, dont ne restent aujourd’hui que les ruines, couvrait une zone d’environ 400 mètres de long pour 90 mètres de large. Il fut érigé sur des terres que se disputaient les Yamana et les Toyotomi, clans dirigés par de puissants daimyos qui s’affrontaient pour obtenir le contrôle de ce qui, aujourd’hui, représente le nord de la préfecture de Hyōgo. En 1557, le clan des Toyotomi l’emporta sur les forces des Yamana, qui étaient alors en garnison au château de Takeda, et prit le contrôle du château. Celui-ci passa entre de nombreuses mains jusqu’à ce qu’Hirohide Akamatsu, guerrier ayant combattu aux côtés de Tokugawa Ieyasu lors de la bataille de Sekigahara, en soit nommé le seigneur en 1600. Moins d’un an plus tard, Akamatsu se fit seppuku (synonyme de « harakiri », mot honorifique désignant le suicide traditionnel des samouraïs) et le château de Takeda fut abandonné.
Malgré un genou douloureux, une fois parti de la gare de Takeda, j’ai pu rejoindre la porte Ōtemon presque deux fois plus rapidement que ce qui était indiqué sur le panneau. Laissé à l’abandon pendant plus de quatre siècles, du château de Takeda ne restent que les murs de pierre et les fondations, mais la taille gigantesque de ces structures, leur emplacement, la région et son histoire m’ont véritablement impressionné. En réalité, je contemplais le Machu Picchu japonais ! Des cerisiers et des pins poussaient ça et là sur les ruines et cela paraissait des plus naturels. Et même si ces arbres ont été plantés par la ville de Wadayama, la nature semble ici reprendre ses droits sur le château. J’ai passé plus d’une heure et demie à parcourir les ruines du château, à prendre des photos et à manger un morceau sur place. Je serais resté bien plus longtemps si je n’avais pas eu un train à prendre. Voir le soleil se coucher depuis le château de Takeda doit vraiment être quelque chose d’inoubliable.
Le château de Takeda est aussi l’endroit parfait pour apprécier les couleurs de l’automne, les cerisiers en fleurs ou pour contempler un phénomène particulier, la « mer de nuages » (généralement visible très tôt le matin). L’entrée est gratuite, l’ascension jusqu’aux ruines l’est beaucoup moins. Toyooka, la ville la plus proche, est desservie par la ligne San’in (ligne principale). A partir de la gare de Takeda (ligne Bantan), il vous faudra suivre un chemin de randonnée plutôt pentu sur 1km avant d’atteindre l’entrée du château. Autrement, vous pouvez toujours rejoindre le parking du château en voiture ou en taxi, il est situé à quelques mètres à peine du sommet. Faisable sur une journée, c’est l’endroit parfait pour une excursion depuis Kyoto.
Prenez le train Limited Express Kinosaki jusqu’à Fukuchiyama, puis, à Fukuchiyama, prenez un train local jusqu’à Wadayama. A Wadayama, ne reste plus qu’à prendre un train jusqu’à Takeda (pour un total de 3 150¥ l’aller, 2 heures et 9 minutes de trajet), ou un taxi. Prendre un train local directement depuis Kyoto vous coûtera 2 210¥ (fois deux pour l’aller-retour) pour un trajet d'environ 3 heures. En allant vers Kinosaki Onsen (la « station thermale de Kinosaki »), la préfecture de Tottori ou Amanohashidate, voire même dans le sens du retour, le château de Takeda est aussi l’occasion idéale de faire un break. En tout cas, il fait à n'en pas douter partie de mes « incontournables » au Japon, à voir absolument. Bon voyage !