Avec 15% de population catholique aux îles Goto contre 1% de chrétiens de tout type au Japon, l'héritage des chrétiens cachés "kakure kirishitan" dépasse la cinquantaine d'églises locales et l'inscription au Patrimoine Mondial par l'UNESCO "Sites chrétiens cachés de la région de Nagasaki". Les fidèles de tous les horizons peuvent contempler ici les choix et sacrifices de générations de japonais persécutés n'attendant qu'un rétablissement des liens avec les chrétiens du monde entier, et rencontrer leurs descendants lors d'une messe ou d'interactions du quotidien.
Comprendre l'histoire locale chrétienne
Débarqué à Kyushu en 1549 pour porter la bonne parole dans tout le Japon, Saint François Xavier connut un certain succès. Mais en 1614, le shogun Tokugawa Ieyasu criminalisa le christianisme peu après le début de la dictature militaire isolationniste d'Edo. La liberté religieuse ne fut rétablie qu'en 1873, peu après la chute des samouraïs et le retour de l'empereur au pouvoir (début de l'époque Meiji) ; 30 000 chrétiens cachés sortirent alors au grand jour et bâtirent des églises.
Pour bien comprendre l'apparition du christianisme au Japon et les persécutions, il est conseillé de visiter le Musée des 26 Martyrs du Japon (ville de Nagasaki, alors importante pour le commerce international et le christianisme) avant de vous rendre aux îles Goto, à 100 km. Notez au passage qu'un des martyrs arrêtés, torturés et crucifiés à Nagasaki en 1597 était né dans l'archipel de Goto : le jésuite japonais Saint Jean Soan de Goto.
Aux îles Goto, visitez tout d'abord l'église catholique de Dozaki. Construite par des missionnaires français sur l'île de Fukue en 1908, elle est désormais un musée exposant des reliques de la vie de chrétiens japonais ayant échappé à l'oppression en pratiquant leur religion en secret :
- Des statues "Maria-Kannon" de la Vierge Marie, représentée comme la déesse de la compassion Kannon, qui leur permettaient de prétendre être bouddhiste.
- Des effigies du Christ à piétiner pour prouver son innocence (un chrétien caché prierait une fois seul pour demander le pardon divin).
- Des impressions combinant des scènes japonaises (pécheur en kimono, kamidana…) et des représentations françaises de Dieu, transmettant les valeurs chrétiennes sans barrières d'alphabétisation/traduction et sans Bible.
- Un extrait en français de "Histoire de l'Église du Japon" (1715) par l'historien Révérend Père Jean Crasset de la Compagnie de Jésus.
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Comprendre la communauté chrétienne de Goto
Avec 140 îles aux côtes complexes accessibles depuis le port de Nagasaki, l'archipel de Goto était une destination logique pour les chrétiens cachés. Ne pouvant construire d'églises, ils s'installèrent alors dans des environnements favorables au quotidien plutôt qu'à un lieu de prière (haut de colline ensoleillé, par exemple) : accès facile à des eaux poissonneuses, zones propices à la riziculture…
Comme l'apôtre Thomas, vous ne croyez que ce que vous voyez ? Accompagnez des pêcheurs locaux pendant quelques heures sur une plateforme flottante (faisable tout le long de l'année) et vous verrez que même un débutant peut attraper rapidement de nombreux poissons. Record détenu par un enfant : ±70 poissons en trois heures ! Relâche immédiate possible ainsi que cours de cuisine avec consommation.
En explorant les îles à pied ou à vélo, vous découvrirez divers paysages, des arbres fruitiers, des rizières cultivées ou abandonnées, et divers champs de sarrasin, brocoli… De décembre à avril, de nombreux camélias aussi utiles qu'agréables fleurissent : leur huile entre dans la composition de nouilles "Goto udon" (définissant leur saveur/texture), de savons, etc.
Peu peuplé et peu visité, cet archipel propre et calme permet de se détendre, de méditer, d'entendre le bruissement du vent dans les herbes et les arbres ou les oiseaux chanter, d'écouter les vagues sans être dérangé, et occasionnellement de rencontrer un cerf, une biche ou un faon. Sur certains sentiers, seul le bruit de vos pas brisera un silence serein.
Ici et là, des panneaux expliquent certaines vues, par exemple des piles de pierres ovales datant de l'interdiction du christianisme, remplacées par des croix pour marquer les tombes une fois l'interdiction levée. Engager un guide local tel que l'américain William Liew vous permettra de découvrir d'intéressants lieux non marqués : une caverne difficilement accessible à marée haute, etc.
Recueillement et rencontres dans les églises
Les églises sont typiquement accessibles sans long escalier ; n'hésitez pas à vous y recueillir (exemples ci-dessous). Si vous souhaitez assister à une messe en japonais avec des locaux, les prêtres vous accueilleront avec bienveillance dans une des églises encore actives même si vous êtes orthodoxe ou protestant. Pâques, l'Ascension et la Pentecôte se fêtent en petits groupes car la population est petite mais Noël rassemble plus de gens car des japonais de tout le pays reviennent fêter la fin d'année et le nouvel an en famille. Toute donation sera appréciée et utile à l'entretien des églises.
Sur l'île de Fukue, l'église catholique d'Hantomari (1922) est une maison de Dieu au plafond en barque renversée avec intérieur aux couleurs marines rappelant l'origine de la communauté : des chrétiens cachés accostant à une petite plage de Goto manquaient de place donc la moitié du groupe avait navigué plus loin, baptisant son lieu d'arrivée Hantomari ("moitié restante").
Sur l'île de Fukue, l'église catholique de Mizunoura (1938) remplaça une église construite dès 1880. Les croix du cimetière à sa droite attireront certainement votre attention !
Sur l'île de Fukue, l'église catholique de Kusuhara (1912) a été superbement rénovée pour ses 100 ans. Marchez 400 mètres jusqu'au site de la prison de Kusuhara, lieu des derniers emprisonnements de chrétiens cachés.
Listée par l'UNESCO comme Patrimoine Mondial, l'ancienne église catholique de Gorin a servi la communauté de l'île d'Hisaka de 1931 à 1985 avant d'être remplacée par une nouvelle "église de Gorin" plus moderne, bâtie juste à côté. Faute de route pour voitures, l'accès se fait à pied ou en bateau !
Listée par l'UNESCO comme Patrimoine Mondial, l'église catholique d'Egami sur l'île de Naru fut bâtie par l'architecte Yosuke Tetsukawa en 1917 pour remplacer une plus modeste de 1906. Les croyants coupèrent eux-mêmes les arbres pour créer un espace où construire l'église et manufacturèrent/vendirent notamment des filets pour financer sa construction.
Conseils de voyage
- Restez au moins 3 jours.
- Évitez la saison des pluies et des typhons. Mars à mai est particulièrement confortable, l'été est chaud et humide, l'hiver peu neigeux.
- Appréciez la nature : mer transparente et propre, plages, montagnes boisées, volcan éteint, ciel étoilé… et peu d'insectes ! Une grande partie de l'archipel fait partie du parc national de Saikai.
- Savourez local : légumes organiques, gâteau "kankoro-mochi" de riz à la patate douce, Goto udon (végétaliens : évitez le bouillon standard à base de poisson volant), bœuf/porc de Goto, sushis frais…
- Informez-vous avant de voyager : couverture téléphonique partielle à la campagne, restaurants sans menu en anglais…
- Considérez l'aéroport international de Fukuoka pour votre arrivée au Japon : proche et pratique que vous alliez directement aux îles Goto ou visitiez d'abord la ville de Nagasaki.
Voyagez loin des foules à votre rythme, créez-vous des souvenirs authentiques aux îles Goto, soutenez la communauté locale, et profitez-en pour contempler votre vie !